mercredi 17 juin 2009

Hommage Mokhtari Mohand Arezki

Mohand Arezki Ait Lmekhtsar (Mokhtai Mohand Arezki)



Un habile artisan

au savoir-faire illimité.

Il était né vers la fin du 19ième siècle, en 1881, décédé à la fin des années 50.

Un vrai génie, un grand artiste et un véritable artisan, il touchait à tout

Ses spécialités sont :

- La taille des pierres pour la construction des maisons.

- La confection des meules pour les moulins à grains et les huileries traditionnelles (grosses pierres qui broient l’olive ou le grain).

- La maçonnerie, le creusage et le fonçage des puits.

- La fabrique de tuiles traditionnelles.

Il faisait presque tout, il était connu surtout pour son ingéniosité et son savoir faire.

Etant né bien avant l’édification de l’Ecole d’Ait Ikhlef, pépinière de tous les grands hommes qu’avait connus notre région, il n’avait pas eu la chance d’étudier, ce qui lui aurait, certainement, permis d’avoir un autre destin. Tout ce qu’il faisait, il l’avait appris sur le tas.

Il n’y avait que deux villages du douar Idjeur a être favorisés, pour envoyer leurs enfants étudier dans cette école. Les Ait Ikhlef pour avoir donné le terrain ou était implantée l’école et le village Ait Said pour avoir donnait la main d’œuvre.

Il avait commencé très tôt à s’intéresser aux travaux de toute sorte.

Il s’était spécialisé, particulièrement, dans la casse et la taille de la pierre. Toute la pierre qui avait servi à la construction de la mosquée ainsi que la demeure du Cheikh et de l’ancienne salle de réunion a été cassée et taillée par Mohand Arezki et Amara Ait Mohand.

Il avait taillé aussi, presque toute la pierre qui avait servi à bâtir le village à l’époque.

Très en avance sur son temps, il était avide de la modernité. Pour se détendre, quand il travaillait, il avait acheté un phonographe (instrument qu’on chargeait manuellement, tourne disque actuel, à l’époque il n’y avait pas de piles,), il était le seul à en posséder dans toute la région. Ce qui faisait une bonne attraction surtout pour les enfants.

Il confectionnait surtout, les grosses meules pour les moulins à grains et les huileries. Ces grosses roues en pierres sont encore visibles aujourd’hui. Il les façonnait i tefreg en pleine montagne ( du coté d’Ighrayen), à une dizaine de km du village. Une fois finies, on faisait appel aux hommes valides de plusieurs villages pour aider à les charrier. On devait d’abords les faire grimper sur le sommet d’une colline et de là on les faisait rouler doucement jusqu’au village. Opération très délicate et très dangereuse, ce n’était pas une mince affaire.

Travail exclusivement masculin, mais les femmes se mettaient de la partie, elles assistaient à l’opération tout en se cachant. Elles épiaient les hommes, à la moindre faiblesse quand ils étaient extenués et menaçaient de tout lâcher, elles surgissaient précipitamment et commençaient à chanter et à crier des youyous, ce qui encourageaient les hommes inévitablement et faisait démultiplier leur force et leur ardeur. C’était la technique employée par Fadma Nsoumar, pour encourager les combattants durant la bataille de 1857 quand les soldats français avaient pris d’assaut la Kabylie. (Un véritable amazigh ne devait jamais montrer ses faiblesses devant une femme, encore moins s’enfuir devant un danger, c’était déshonorant).

Le village possédait deux moulins à grains (ces moulins étaient installés prés des rivières et étaient mus par la force des crues, d’hiver ou de printemps.). L’un est familial, (de la famille Ait Oubessai) et l’autre qui appartenait à tout le village mais on s’en servait à tour de rôle.

Presque chaque famille possédait, aussi, sa propre huilerie.

Il avait créé la première et seule fabrique de tuiles traditionnelles. Il avait confectionné un moule pour les façonner et un four pour les cuire. Il avait produit toute la tuile des maisons de tout le village et les environs. Il était aidé en cela par ses enfants et sa femme.

Anecdote :

On disait de Mohand Arezki, que c’était une forte tête qui n’aimait pas la hogra. A l’époque le village était constitué de plusieurs clans. Le principal était celui des notables, dont Mohand Arezki ne faisait pas partie.

Un jour où 05 maisons avaient été cambriolées (volées), l’assemblée générale du village s’était réunie aussitôt, on voulait faire jurer, sur le Coran, les gens pour qu’ils disent s’ils n’avaient rien vu ou s’ils n’étaient pas complices. Mohand Arezki, le jour du délit, n’était pas au village. Bien entendu les soupçons s’étaient portés sur lui. Comme c’était une tête brûlée et qu’il faisait toujours le contraire de ce que disaient, surtout, des notables du village, il n’avait pas voulu se prêter à leur jeu. Il avait refusé de jurer, pensant que ce n’était pas une bonne idée, car les voleurs et les complices n’allaient pas se trahir par cette méthode.

Devant son entêtement et le défi qu’il avait lancé au village, ce dernier avait pris la décision de l’excommunier. (Tout le monde redoutait l’excommunication à l’époque, elle consistait à bannir quelqu’un, à ne plus lui adresser la parole et s’il lui arrivait malheur personne ne doivait intervenir).

Mal leur en pris, car pour les narguer il baladait son phonographe sur une mule. Ce qui gênait considérablement la communauté, surtout lors des travaux des champs. On ne pouvait l’en empêcher puisqu’il n’en faisait plus partie. Après enquête, le village avait découvert qu’effectivement, Mohand Arezki, la nuit du vol, était allé rendre visite à un vénérable Mourabout du coté de Michelet. On s’était rendu compte, un peu tard, de la méprise et on a voulu le réconcilier mais lui n’en voulait pas.

Il a fallu l’intervention de l’Administrateur (Wali actuel, autorité suprême des indigènes de l’époque), de quelques notables et cheikhs des autres villages pour lui faire entendre raison et enfin être réhabilité dans tous ses droits.

A sa mort, son fils Hamiche, qui nous a quitté dernièrement, et qui était aussi un grand artisan, avait continuait son œuvre, il faisait de menus travaux du village. Et comme le travail était ingrat, non valorisant ni rémunérateur, l’émigration étant à la mode à l’époque, il avait tout quitté pour aller tenter sa chance, lui aussi, en France.

Dadda Hamiche, homme très pieu, presque le seul au village qui ne manque pas la prière du matin en toute saison, cultivé et humble, on ne lui connaissait aucun vice. Doux, généreux mais doté d’un humour exceptionnel pour un vieux, toujours souriant, c’est lui qui disait, en parlant de la mort, que Welah que je n’irais pas avec mes pieds (volontairement) au cimetière.

Affable, il était très gentil, quoique vieux on n’a aucune appréhension à l’approcher. On ne l’avait jamais vu s’emporté contre quelqu’un.

Abdennour

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