mardi 14 juillet 2009

Suite témoignage Sur Sadaoui Arab

Arab Ait Ali Oussaid

Suite Vie et Œuvres Arab Ait Ali Oussaid.

Des années vingt à son décès en décembre 1952.

Un destin hors du commun

Après avoir sillonné et travaillé à l'Est de l'Algérie et en France, pendant toute sa prime jeunesse, il avait renoncé, définitivement, à l'émigration.

Plusieurs raisons l'empêchaient de quitter le pays (la Kabylie).

Ø Son père âgé, malade et aveugle ne pouvait plus s'occuper de sa progéniture, et étant l'aîné de la famille et que ses demi frères très jeunes encore, il se devait de le remplacer.

Ø L'émigration lui pesait énormément, surtout que ses employeurs, une fois embauché, ne le lâchaient plus, pas même pour aller rendre visite à ses proches. (voir première partie du témoignage).

Ø son propre mariage et ses petits enfants.

Ø les conséquences de la 1ère Guerre Mondiale, avec son lot de misère et d'indigence des populations.

Mais ce qui l'avait le plus décidé à ne plus abandonner le giron familial c'était bien la maladie de sa femme, Malha Ait Mohand.

En effet après la naissance de son quatrirème enfant, Ounissa, en 1928, sa femme avait eu une hémorragie interne, elle ne s'était plus jamais remise. Elle était restait au lit pratiquement 06 années, Elle se vider doucement de son sang, malgré toutes les attentions dont elle était entourées, et tous les soins (médecine kabyle) qu'on lui prodiguait.

Jamais, au grand jamais il n'a eu une réflexion, un geste ou un mot désobligeants envers elle. Mieux elle le suppliait d'aller refaire sa vie, pratique très courant à l'époque, une femme malade était, presque toujours, renvoyée chez ses parents car il n'y avait pratiquement rien à faire. Pas de médecin, pas structures de soins, on se contentait de la veiller et de prier dieu pour qu'il allège ses souffrances, au plus vite. Il était toujours attentif et aux petits soins avec elle, jusqu'à son dernier souffle. Remarque, ses belles sœurs aussi ne l'avaient jamais négligée, elles s'étaient bien occupées de ses enfants.

Il s'était donc installé définitivement au village, il avait refusé même une association, pour la création d'ateliers de fabrication de ferronnerie et de menuiserie à Azazga, que lui avait proposé un gros industriel français. Il ne voulait plus d'un travail qui l'éloignerait trop de sa famille.

Remarque, le travail ne manquait pas, d'ailleurs, au village ou dans les environs.

Sa vie au village.

Il créa avec un cousin, Idir Amokrane (Hadj) un véritable atelier de ferronnerie, menuiserie, construction de charpente métallique et en bois. Enfin tous les métiers. Ils avaient même un atelier ambulant. Un âne pour le transport du matériel car ils se déplaçaient souvent et pour plusieurs jours à travers les villages de la région.

Ils s'étaient spécialisés dans la construction des mosquées. De la conception à la toiture, ils faisaient tout, sauf la maçonnerie.

Toutes les mosquées de la région ont été leur œuvre, ainsi que la plupart des constructions des notables des villages et des Caïds, ils avaient même réalisé des constructions, visibles encore aujourd'hui, à Assif El Hammam du coté de Zekri, On raconte que les gens de notre région étaient privilégiés quand ils allaient pour des cures thermales. Quant à leurs parents (à Arab et Idir) ils bénéficiaient d'un traitement spéciale et gratuit.

Photo mosquée

Toutes les charpentes, les toitures, les portes en bois ou en fer ainsi que les fenêtres de toutes les constructions du village et de ses environs on étés réalisée par ce génie et son cousin Idir Amokrane. Enfin, tout ce qui nécessitait une certaine technologie et un savoir faire.

Les gens le raillaient sur la vétusté de notre mosquée, alors qu'il en construisit de nouvelles pour les autres villages. Il répondait qu'il attendait de terminer toutes les mosquées des villages environnants, pour enfin reconstruire la notre, plus belle et plus spacieuse. En effet, notre mosquée était très belle à l'époque et rivalise actuellement avec celles qu'on a reconstruites récemment. Malheureusement un fol vent de renouveau s'abat sur notre patrimoine, tout ce qui est ancien doit disparaître... c'est le prix, paraît-il, à payer pour la modernité !!!!

Témoignage Mosquée

Son drame : il était trop gentil, trop généreux, toujours disponible. N'à jamais élever la voix sur quelqu'un, pas même sur un enfant. En revanche il était estimé et très respecté par tout le monde.

Il ne s'était pas enrichi, il n'avait jamais pris un sou pour la construction d'une mosquée, n'avait jamais fait payer un pauvre, mieux il leur avançait, parfois, les prix des matériaux de construction, qu'on remboursait rarement.

Il arrivait tout juste à nourrir décemment sa famille qui était composée, avec celles de ses frères, de plus de 30 personnes. Sa maison ne désemplissait jamais. Il y'avait toujours quelqu'un de passage à accueillir, qu'il soit notable ou indigent.

Quelques temps après le décès de sa femme, Il s'était remarié à Taous Ait Lmessaoud, du village Igersafen, qu'il avait remarqué quand il réalisait des travaux pour ses parents. Sa famille était très aisée, très en vue dans la région. La jeune Taous était très belle et effrontée, caractères qu'elle garde encore aujourd'hui. Quand Arab avait aperçu cette jeune et jolie fille, il était tombé sous le charme, c'était le coup de foudre, d'autant plus qu'elle venait de divorcer de sonpremier mari.

Les Ait Lmessaoud s'était fait un très grand honneur de s'allier au village Ait Said, principalement à ce grand génie. Le père de la fille ne voulait pas la donner à un « vieux » d'autant plus qu'Ait Said était le bout du monde. Mais tous ses frères et cousins lui étaient tombés déçus. On ne peut « refuser» Arab Ait Ali Oussaid, ç'aurait été un déshonneur et une honte dans la région.

Anecdotes :

Il ne s'emportait jamais et ne montrait, en aucun cas, son agacement ou son irritation, contrairement à son coéquipier, Idir Amokrane. Il était très patient et attentif.

Il ne dédaignait pas les remarques et les conseils que lui prodigués les gens. A ceux qui s'étonnaient de le voir, lui un grand artisan, écouter n'importe qui, il répondait que cela ne lui coûter rien et si par hasard il trouvait l'idée intéressante, c'est tout bénéfice pour lui, sinon lui, de toute façon, a déjà sa petite idée de ce qu'il faut faire.

Une seule fois ou il était vraiment exaspéré et avait abandonné son travail à moitié. C'était quelqu'un à qui il réalisait une porte à deux bâtons, celui-ci n'arrêtait pas de lui monter comment faire. Excédé, il abandonna son travail, il aura fallu l'intervention des notables et du cheikh du village pour le décider à le terminer, mais à la condition que cette personne disparaisse de sa vue.

Destin tragique :

En parallèle à ce travail d'artisan, il s'occupait, personnellement, de menus travaux. Les labours, la cueillette des olives, le fauchage des fourrages etc. il pouvait très bien faire appel aux gens à qui il rendait service, mais il préférait les faire lui-même avec ses filles, ce qui lui était fatal du reste.

Autre signe de caractère, il n'a jamais profité de sa position, il rendait beaucoup de services mais n'en demandait jamais rien à personne.

Il été mort noyer. En allant rejoindre son champ pour la cueillette des olives, il traversa une petite rivière, trébucha et tomba dans une mare. Juste à coté il y avait ses deux filles et sa bru qui l'avaient précédé. Elles l'avaient vu arriver et croyaient, comme à ses habitudes, qu'il allait visiter les autres champs. Elles ne se doutaient de rien et continuaient le travail tranquillement jusqu'à ce qu'elles arrivent au bout du champ pour enfin l'apercevoir gisant la tête dans l'eau. Malheureusement trop de temps s'été écoulé, il n'y avait plus rien à faire. Il été déjà mort.

Sa mort avait bouleversé le village et les environs. Elle avait chamboulée les rites et les coutumes du village. On avait attendu quatre jours pour l'enterrer, tellement il y'avait du monde, qui n'en finissait pas de venir se recueillir devant sa dépouille. On venait de partout, malgré la neige. Paraît-il, il n'avait jamais neigé autant. Le Caid, ne croyant pas à cette mort subite, avait voulu qu'on pratiquât une autopsie, mais vu l'amitié et le grand respect qu'on lui vouait de son vivant, on n'avait pas osé entretenir la suspicion.

Et pour mesurer l'estime que lui portait le village, on avait décidé comme il neigeait continuellement, de l'enterrer à l'intérieur de la salle de réunion du village. Maison actuelle du Cheikh. Il avait fallu l'intervention de ses frères et cousins pour dissuader le village et ne pas créer de précédent. On lui avait, quand même, façonné une tombe en ciment, la seule au cimetière à l'époque.

Son coéquipier, Idir Amokrane, n'avait pas voulu voir sa dépouille, tellement il était affligé et abattu par la perte brutale de son ami et collaborateur. Après le retour du beau temps, il était allé terminer le travail abandonné, à cause du mauvais temps. Il remarqua qu'il n'était plus accueilli comme auparavant, rare étaient les personnes qui venaient le saluer. En demandant des clous pour finir la toiture, c'était une femme qui allait les lui apporter, situation imaginable avec son ami Arab. Il avait compris, ce jour là, que tout était parti avec lui, il jeta en l'air son marteau et avait dit « Quand le bras droit est mort que peut faire le bras gauche !» et depuis il n'avait plus jamais travaillé pour quelqu'un.

Signes prémonitoires :

  • La confection d'une civière, pour le transport des blessés ou des décédés.
  • le matin, avant son départ, il psalmodiait des versets coraniques (Itsdekir), ce qui était inhabituel chez lui et qui agaçait sa femme, c'était un signe de mauvais présage..

On raconte que quelques temps avant sa mort, il construisit une civière car il avait remarqué les difficultés qu'il y avait à transporter un blessé ou un mort. Une bonne femme du village, en plaisantant avec lui, prédisait qu'il serait le premier à l'utiliser. Et sa prédication s'était réalisée.

Epilogue

Pendant la révolution de 1954. Lors d'une fouille des maisons, les parachutistes français, ont découvert son atelier, croyant qu'il servait aux moudjahidine, ils ont pris l'essentiel des outils et détruit le reste. Ils ont mis le feu à sa demeure, en partant, elle a été sauvée de justesse. Cette demeure servait aussi de refuge pour les moudjahidine (principalement à Arezki Ait Lmessaoud, frère de la maîtresse de maison et à ses compagnons)

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Sa descendance :

Il avait eu un garçon et huit filles. Sa progéniture s'est tellement multipliée qu'elle dépasse aujourd'hui les 140 personnes, réparties à travers le pays, principalement en Kabylie, à Sétif, à Alger et quelques uns en Europe

Arab Ait Ali Oussaid

Descendence Arab: Premiere et deuxieme générations

Son petit fils Abdennour

Témoignage : Première Partie. Smail



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